Maltraitance De L'enfant

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Qu’est ce que la maltraitance de l’enfant ?

C’est un problème majeur de la santé publique, souvent sous estimé. Ses répercussions touchent de façon durable la santé et le développement de l’enfant. Elle se présente sous plusieurs formes :

La violence physique :

Occasionnant des blessures diverses, des plaies, des fractures, des contusions d’organes, visibles ou invisibles, ayant comme conséquence parfois des dommages durables et irréversibles, sur le plan physique et psychologique.

L’agression sexuelle :

Souvent sous estimée, vue l’âge de la victime qui ne sait pas exprimer sa plainte ou par peur des représailles de l’agresseur. La victime garde des séquelles profondes sur le plan psychologique à type de stress post traumatique, dépression, addiction et syndrome dissociatif.

A l’âge adulte, la victime garde des séquelles profondes et est sujette à avoir des relations violentes. Le soutien de la famille, lorsqu’aucun des deux parents n’est l’agresseur, constitue un facteur d’aide important.

La négligence :

Souvent involontaire, résultant de l’incapacité des parents à satisfaire les besoins physiques et psychologiques de l’enfant. Les conséquences sont d’autant plus importantes lorsque cette négligence est prolongée et précoce. Elles sont à type de retrait social, difficultés scolaires et dépression. À l’âge adulte, la victime est plus sujette à avoir des relations violentes.

La violence psychologique :

Elle consiste à utiliser des mots ou agir de manière à contrôler quelqu’un, à lui faire peur, à l’isoler ou lui ôter sa dignité, par exemple :

  • Menacer, rabaisser, insulter.
  • Crier constamment et critiquer.
  • L’empêcher de voir sa famille et ses amis.
  • Se moquer de ses actes et habitudes.
  • Intimider, humilier et harceler.

La victime est soumise à un stress chronique, qui a comme conséquences : des comportements d’évitement (le mensonge, l’isolement), des comportements à risques (addiction, abus d’alcool).

Exposition à la violence conjugale :

L’enfant qui assiste aux violences conjugales de façon répétées, n’est pas que spectateur, il reçoit de plein fouet des agressions indirectes. Il aura des attitudes violentes et aura même l’impression d’être le responsable de ces violences conjugales. Il en résulte des difficultés à l’école avec ses camarades de type comportements agressifs et évitement et chute du rendement scolaire.

L’exploitation financière :

Définit par le fait de forcer la victime à profiter de ses biens matériels ou en prendre le contrôle, faire travailler un mineur de force et récupérer les revenus qui en découlent. Ses répercussions psychologiques et physiques sont profondes et durables.

État des lieux en Tunisie :

Les derniers chiffres que j’ai pu trouver datent de 2019. Le site officiel du ministère de femme et de la famille n’est pas très ergonomique, tout ce que j’ai pu trouver sont les statistiques de 2017, si l’un de mes lecteurs peut me fournir des chiffres actualisés, j’en serais fortement reconnaissant.

Je commence par une étude publiée sur pubmed :

Je commence par une étude publiée sur pubmed : Epidemiological aspects of child abuse and neglect in Sousse, Tunisia: A 10-year retrospective study :

Abstract

The aim of our study was to examine epidemiological aspects of child abuse and neglect in Tunisia. >We conducted a retrospective and descriptive study over a period of 10 years (January 2006-December 2015), based on the files handled by the Child Protective Services (CPS) agency in the city of Sousse, Tunisia. During the study period, 3736 referrals were received by the CPS agency of Sousse. Of the total, 2212 (59.2%) were screened in and investigated. Of the investigated cases, 317 (14,3%) were substantiated as abuse or neglect. The reports of maltreatment came mostly from parents (37.8%). Neglect was the major type of maltreatment (51.4%) and an association of 2 types of maltreatment was found in 76 cases (24%). Parents were the perpetrators in 221 cases (69.7%). The average age of the victims was 10 years and boys accounted for 56%. In the 257 cases where the marital status of the parents was noted in the files, the parents were divorced in 62 cases (24.1%) and the child lived with a single mother in 35 cases (13.6%). Alcohol addiction was found in 21 parents (6.6%) and one of the parents was incarcerated in 39 cases (12.3%). As for the socio-economic status, it was evaluated in 188 families and was low in 123 cases (65.4%). In the absence of studies related to this scourge in Tunisia, we hope to raise awareness of the abuse and alert those who come into contact with the child on the importance of detecting and reporting early maltreatment and thus to introduce more appropriate care. A comprehensive prevention strategy needs to be established by addressing risk factors, cultural norms conducive to abuse and unwanted pregnancies.

  • Il s’agit d’une étude rétrospective et descriptive sur une période de 10 ans (janvier 2006-décembre 2015) faite sur les dossiers de l’institut de protection de l’enfance de la région de Sousse. Les résultats de cette étude sont :

    • 3736 signalements
    • 2212 (59,2%) cas ont été examinés
    • 317 (14,3% des cas examinés) ont été confirmés comme étant maltraitance
    • La plupart des signalements ont été faits par les parents (37,8%)
    • La négligence est le type le plus fréquent de maltraitance (51,4%), l’association à un autre type de maltraitance est trouvé dans 76 cas (24%)
    • Les parents sont les principaux auteurs de maltraitance 221 cas (69,7%)
    • L’âge moyen de la victime est de 10 ans
    • La victime est un garçon dans 56% des cas
    • Les parents étaient divorcés dans 24% des cas lorsque la situation maritale a été notée dans le dossier (62 divorces sur 257)
    • 35 enfants (13,6%) vivaient avec une mère célibataire
    • L’abus d’alcool était noté chez 21 parents (6,6%) et l’un des parents était incarcéré dans 39 cas (12,3%)
    • Le statut socio-économique était bas dans 123 cas parmi 188 (65,4%)
  • En conclusion, la plupart des cas de maltraitance étaient la négligence d’un parent dénoncée par un autre parent où la victime était un garçon de la dizaine. Le niveau socio-économique et la stabilité familiale sont deux facteurs importants.

  • Une bonne partie des cas de maltraitance d’enfants est probablement non rapportée, une stratégie nationale de lutte contre la maltraitance d’enfants incluant plusieurs organismes et métiers afin de détecter et prévenir le plus tôt possible devrait être mise en place.

  • D’autres études épidémiologiques devraient être mené pour les autres régions du pays.

  • L’action du gouvernement devrait agir sur la pauvreté et l’illettrisme pour des résultats à long terme, en plus de sa stratégie à court terme.

Je poursuis par

Je poursuis par un article de l’unicef, dont voici un extrait :

UNICEF/Tunisia 15 octobre 2019

L’UNICEF a suivi avec consternation les deux instances récentes de violences contre des enfants en Tunisie qui ont été largement relayés dans les médias et sur les réseaux sociaux. Dans les deux cas, les violences ont été infligées dans un cadre familial. En Tunisie, plus de 80% des enfants subissent des violences au sein de leur famille. L’éducation des enfants devrait systématiquement être basée sur la tendresse et jamais sur la violence. La violence – dans toutes ses différentes manifestations – est inacceptable. Absolument rien ne justifie d’avoir recours à la violence de manière générale, y compris a l’égard des enfants. Une stratégie nationale de lutte contre la violence en milieu familial a récemment été adoptée par la Tunisie. Les parents devraient pouvoir bénéficier de programmes d’éducation spécialisés afin d’utiliser des méthodes de discipline positive à l’égard de leurs enfants, y compris les adolescents.

80%, un chiffre qui fait froid dans le dos. Mais, est-ce tout les parents sont conscients de la maltraitance que leurs enfants subissent ? Est-ce qu’ils sont conscients que ce sont eux les agresseurs ? Certains comportements considérés comme normaux devraient disparaître, les parents devraient s’interroger et s’autocritiquer pour enrayer ces agressions qu’ils définissent comme “c’est comme ça que je suis devenu un homme”.

L’éducation nationale doit aussi s’adapter et changer le cursus de l’enseignement. Il est évident que depuis 2011 on assiste à une banalisation de la violence dans la rue, dans les médias, dans la télé, dans les foyers sans parler de l’hémicycle. Les enfants sont bombardés par ces scènes de violences et il est impératif de les protéger, les encadrer et leurs apprendre et inculquer la tendresse. D’ailleurs, ça devrait être à elle seule une discipline enseignée dès le jeune âge.

Quelle est la stratégie nationale de lutte contre la violence en milieu familial ? Quels sont ses résultats ?

Je continue par :

Je continue par : 17 mille signalements relatifs à la violence à l’égard des enfants en 2019

Dont voici un extrait :

“Quelque 17 mille signalements relatifs à la violence à l’égard des enfants, essentiellement en milieu familial, ont été enregistrés en 2019 contre 5000 signalements en 2015”, souligne Néziha Laabidi, ministre de la Femme, de la Famille, de l’Enfance et des Seniors. … selon l’enquête par grappes à indicateurs multiples (MICS6-Tunisie/2018/2019), 88,1% des enfants âgés de 1 à 14 ans ont subi une méthode de discipline violente et 48,9% ont subi des punitions physiques.

Une augmentation choquante des chiffres. La question qui se pose : est ce lié à l’augmentation de la violence ou à l’augmentation des signalements de ces violences ? Ou les deux ?

Un article plus récent :

Un article plus récent : Violence contre les enfants : Parents et enseignants sur la sellette, la déconstruction par l’art (Etude)

A cause de la pandémie du Covid-19, la violence perpétrée par les adultes sur les enfants a augmenté. Cela revient à l’état psychologique des parents submergés par les contraintes du contexte sanitaire, qui subissent une pression sans précédent, celle de remplir leurs tâches quotidiennes, tout en prenant leurs précautions contre le virus.

Ce constat est confirmé par les résultats d’une étude sur « la déconstruction de la violence par l’art », menée par l’association « L’art-Rue », en collaboration avec une équipe de pédopsychiatres, psychologues cliniciens et experts de l’enfance, sur un échantillon d’élèves de deux écoles primaires de Tunis (celles de Bab Souika et de rue d’El Marr).

D’après cette étude, 20% des élèves subissent une violence domestique, 24% souffrent d’anxiété, 20% passent par une dépression, 21.2% vivent dans la pauvreté, dont l’impact du Covid-19 y contribue avec 25%.

Un autre élément confirme l’augmentation du taux de violence perpétrée sur les enfants, d’une manière générale. Il s’agit du record de signalements de maltraitance enregistré lors du confinement dernier. Durant la période du 6 avril au 2 juillet 2020, le ministère de la femme, de la famille, et des personnes âgées a reçu sur le numéro vert 1809, 4672 dénonciations dont 4664 signalements liés à des problèmes psychologiques. 511 appels avaient pour origine des enfants, dont 316 signalements de violence à leur encontre.

Cet article est très intéressant, il nous donne une idée sur l’état des lieux, confirme la situation désastreuse par des chiffres et établit une relation entre la dégradation de la situation et la pandémie ayant imposé des confinements, un appauvrissement de la population et une réduction de la scolarisation des enfants.

Je termine par une lueur d’espoir :

Je termine par une lueur d’espoir : Séminaire «Déconstruire la violence par l’art» par l’association l’Art Rue : Entre synthèses et perspectives

L’Art Rue fait le point avec un parterre d’invités sur l’importance cruciale de l’art, afin d’éradiquer la violence dans les cercles scolaires, et de préserver enfants et jeunes adolescents en devenir de ce fléau de plus en plus grandissant.

Les activités artistiques constituent un élément protecteur de l’enfant et de la famille. Les parents en profitent aussi. Que ce soit à l’école ou à la maison, l’enfant devrait bénéficier de diverses activités en compagnie de ses parents ou de l’un des deux.

Sources :

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